Cancer, malaise dans la civilisation.
On en est maintenant certain : la pollution empoisonne l'organisme humain.
       
     

par Isabelle Cuchet


Ce n'est pas tous les jours qu'une centaine de chercheurs, dont plusieurs prix Nobel, se réunissent pour lancer publiquement un cri d'alarme. "La pollution chimique menace la survie de l'espèce humaine", a clamé au printemps dernier ce groupe de scientifiques aux Nations unies. Cette déclaration, baptisée l'Appel de Paris, avait pour but d'attirer l'attention sur l'augmentation inquiétante des cas d'asthme, d'allergies, d'anomalies congénitales et surtout de cancers, dont la croissance aurait un lien direct avec la pollution.


Partout, en effet, le cancer progresse. À la fin de cette année, plus de 145 000 personnes au Canada auront appris qu'elles en souffrent; c'est 63% de plus qu'il y a 20 ans. "Le cancer touche en grande majorité les personnes âgées, explique Jack Siemiatycki, chercheur en épidémiologie environnementale et en santé des populations à l'Université de Montréal. La société vieillit; il est donc logique de constater une augmentation des cas." Les méthodes de dépistage de certains cancers, notamment celui de la prostate, se sont aussi nettement améliorées, ce qui permet de détecter plus de cas.
Mais une cause bien plus sournoise inquiète les spécialistes: les changements dans notre environnement et dans nos habitudes de vie. Officiellement, 30% des cancers sont encore dus au tabagisme et 20% à une mauvaise alimentation. Quant au reste - la moitié -, ils sont liés à des facteurs tels que le milieu de travail, les antécédents familiaux, la consommation d'alcool, l'exposition au soleil ou aux émissions ionisantes dues aux rayons X et au radon, un gaz radioactif présent dans la nature et surtout dans les matériaux de construction, donc dans nos maisons. Mais, selon Dominique Belpomme, professeur de cancérologie à l'Université Paris-V et initiateur de l'Appel de Paris, ces chiffres sont obsolètes. Ils sont d'ailleurs tirés d'une étude réalisée au début des années 1980. "Je considère qu'aujourd'hui 60% à 70% des cancers sont dus à la pollution."