Le français ne fut jamais isolé: il reçoit et emprunte, donne et lègue; il s'affirme et se développe à l'abri du latin et contre lui. Il absorbe le norrois des Vikings danois pour en faire les Normands, après avoir avalé la langue des rois francs. Il se nourrit de l'occitan qu'il réduit; il ignore le breton avant de le mettre à mal, mais le basque lui résiste et il doit composer avec l'alsacien — venu des Alamans, tout comme les dialectes germaniques de Suisse. À la fin du XVIIIe siècle, la langue se replie dans le nord de l'Italie, mais s'étend vers la Corse et s'impose en Savoie.
Dans l'ensemble, le français met à mal les langues et dialectes dans ce qu'on appellera plus tard l'«Hexagone».
À partir du XVIe siècle, cette langue française s'était répandue hors d'Europe. Elle reculera en Amérique du Nord, mais s'imposera dans les «îles» à côté d'une langue nouvelle, le créole, et résistera victorieusement au Québec et en Acadie. Au XIXe siècle, par des raisons en rien culturelles, la colonisation, d'abord monarchique, puis impériale, enfin républicaine, fait du français une réalité mondiale que le XXe siècle, dans un conflit culturel, compromet.
Alain Rey, Frédéric Duval
On situe la naissance du français vers le IXe siècle, alors qu'il faut attendre le Xe ou le XIe
siècle pour l'italien, l'espagnol ou l'occitan.
Quant aux langues franco-provençales (voir le texte de Manuel Meune à ce sujet) du Centre-Est, elles correspondaient plus ou moins à des anciennes possessions des Burgondes, puis de l'empereur du Saint Empire romain germanique. Bref, à l'aube du Xe siècle, l'aire des grands changements distinguant les aires d'oïl, d'oc et franco-provençale étaient terminées, mais non la fragmentation dialectale de chacune de ces aires, qui ne faisait que commencer. Soulignons qu'on employait au singulier «langue d'oïl» ou «langue d'oc» pour désigner les langues du Nord et du Sud, car les gens de l'époque considéraient qu'il s'agissait davantage de variétés linguistiques mutuellement compréhensibles que de langues distinctes. 1.1 L'avènement des Capétiens
C'est avec l'avènement de Hugues Capet (en 987) que le premier roi de France (encore désigné comme le «roi des Francs») en vint à parler comme langue maternelle la langue romane vernaculaire (plutôt que le germanique), ce qui sera appelé plus tard comme étant le françois ou françoys (prononcé [franswè]). Dans le système féodal de l'époque, la France était dirigée par une vingtaine de seigneurs territoriaux, descendants de fonctionnaires ou de guerriers carolingiens, qui détenaient des pouvoirs considérables parfois supérieurs à ceux du roi, comme ce fut le cas, par exemple dans le Nord, avec les comtes de Flandre et les ducs de Normandie, à l'est avec les ducs de Bourgogne et, au sud, avec les ducs d'Aquitaine. En raison des invasions étrangères, ces seigneurs avaient obtenu du roi de vastes territoires en échange de leurs services. La légitimité de Hugues Capet état alors relativement fragile. Par exemple, lorsqu'il s'opposa à son vassal Adalbert de Périgord qui refusait de lever le siège de Tours, le roi lui lui demanda : «Qui t'as fait comte?» Et le vassal de lui répondre: «Qui t'as fait roi?»
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